Petits commerçants face au développement durable : les résultats d’une enquête
Publié le 11 mars 2015–Mis à jour le 28 mars 2015
Le développement durable est devenu une référence incontournable en politique
publique. Les politiques de transport n’échappent pas à cette influence. Confrontées aux problèmes d’externalités négatives, elles se sont progressivement orientées vers la durabilité et doivent soutenir une mobilité favorisant des objectifs
très divers, voire contradictoires : s’il s’agit toujours de favoriser la croissance économique à travers la mobilité, il faut également favoriser la protection des sphères environnementales et sociales.
Cette conception de la durabilité est issue du rapport Brundtland (CMED, 1987). Largement dominante, cette conception se décline au niveau international, européen, national, régional et local. Au niveau international, il est reconnu officiellement que le transport durable est l’application du développement durable au transport (OCDE, 1996). Le groupe de travail de l’OCDE définit le transport durable comme devant aboutir à « des transports qui ne mettent pas en péril la santé publique et les écosystèmes et répondent aux besoins de mobilité compatibles avec (a) une utilisation des ressources renouvelables à un rythme inférieur à celui de leur régénération et (b) une utilisation des ressources non renouvelables à un rythme inférieur à celui du développement de produits de remplacement renouvelables ». Au niveau européen, le transport durable officiellement défini en 1991 veut en effet « contribuer à la prospérité économique, au bien-être social, et ce sans nuire à l’environnement et à la santé des hommes ». Au niveau français, la référence aux trois piliers du développement durable était déjà présente en 1982 dans le texte fondateur du transport : la Loi d’Orientation Intérieur des Transports (LOTI). Il s’agissait en effet de « satisfaire le besoin des usagers dans les conditions économiques, sociales et environnementales les plus avantageuses pour la collectivité ». Il s’agit donc, à toutes les échelles, de limiter les impacts environnementaux et sociaux en continuant à favoriser la mobilité. Pour atteindre ces objectifs, des outils incitatifs de plusieurs natures sont mis en oeuvre par les autorités publiques. Ces outils sont censés modifier le comportement des acteurs visés. Pourtant, la cible des politiques de transport durable est peu analysée, contrairement à l’évaluation des objectifs politiques, des instruments politiques employés, des outils d’aide à la décision3, ou en encore des analyses prospectives4. Certains modèles intègrent partiellement la demande de transport5 (AEE, 2007). Mais l’analyse effectuée se restreint souvent à l’indicateur tonnes-kilomètres par mode et par produit6. La stratégie de la cible visée par les politiques de transport reste encore largement ignorée. C’est cette cible que nous voulons justement réintroduire dans l’analyse. À partir d’une analyse des stratégies des firmes, nous voulons comprendre les obstacles rencontrés par la cible des politiques de transport pour faire évoluer leurs pratiques. Pour cela, cet article se partage en trois volets. Premièrement, nous justifierons le choix de notre terrain d’enquête. La cible retenue ici est la catégorie des commerçants de détail de Lille. Différentes actions de développement durable sont menées par ces derniers. Nous les présenterons et en analyserons les déterminants. Suite à ce bilan des pratiques durables des commerçants, le transport durable semble plus difficile à mettre en oeuvre que d’autres formes de pratiques. Nous chercherons à comprendre les sources de blocages endogènes dans un second temps et les raisons exogènes dans un troisième temps.