Gestion psychologique de l’arrêt de la carrière chez les entrepreneurs de pme
Publié le 25 février 2015–Mis à jour le 4 avril 2015
Le départ à la retraite est appréhendé par les experts en sciences humaines comme l’une des plus importantes transitions de vie de l’adulte senior. Les enjeux et les conséquences psychologiques de l’arrêt de la carrière sont d’ailleurs devenus les objets d’étude d’un nombre croissant de scientifiques ces dernières années (Wang, 2012). En effet, mettre un terme à sa carrière constitue une étape de vie complexe qui implique non seulement la perte d’un rôle professionnel mais
aussi des changements de statut social (passage du statut d’actif à celui de
retraité), de réseaux relationnels, de routines et potentiellement de l’image de soi (Pinquart & Schindler, 2007). Aussi, si pour certains individus le départ à la retraite peut être appréhendé comme une opportunité de réaliser de nouveaux projets, pour d’autres en revanche, il peut être source de craintes ou de doutes (Nordenmark & Stattin, 2009). Le vécu de cette étape et les modalités d’adaptation à la retraite sont donc très variables selon les individus et les catégories socio-professionnelles concernées (Fouquereau, Fernandez, & Mullet, 2001).
Dans la population des entrepreneurs, l’arrêt de la carrière est particulièrement complexe et associé à des enjeux cruciaux. En effet, les dirigeants propriétaires qui approchent de l’âge de la retraite doivent relever plusieurs défis, celui de réussir cette dernière transition de carrière aux plans personnel et familial mais aussi celui d’assurer la continuité de l’entreprise par la mise en place effective d’un successeur (dans le cas d’entreprise familiale) ou d’un repreneur (dans d’autres cas de transmission). Ainsi, de nombreux experts en économie ont-ils souligné la nécessité d’accompagner la fin de carrière des dirigeants pour assurer la vitalité du tissu économique et social français, sachant que les chances de survie des PME transmises sont meilleures que celles des créations pures (Counot & Mulic, 2004). Mais l’extrême diversité des entreprises de l’hexagone (taille, secteur d’activité, santé économique), et notamment des PME, implique de ne pas considérer le processus du désengagement professionnel des entrepreneurs comme une problématique simple et homogène. On ne peut dès lors que s’étonner du faible nombre de recherches portant sur la fin de carrière de ce groupe socio-professionnel spécifique (DeVaney & Kim, 2003 ; Leroy, Manigart, & Meuleman, 2007) comparativement, à la littérature abondante consacrée au retrait des salariés seniors (Feldman & Beehr, 2011). De plus, les rares travaux relatifs à la sortie de l’activité entrepreneuriale s’intéressent quasi-exclusivement à l’une de ses conséquences, celle de la problématique économique des cessions-transmissions d’entreprises (Leroy, Manigart, & Meuleman, 2007 ; Wennberg, Wiklund, DeTienne, & Cardon, 2010). Certes une telle observation était attendue, puisque la pérennité des entreprises existantes est devenue un enjeu stratégique majeur pour l’économie de notre pays, chaque disparition d’entreprise se traduisant par des pertes de compétences, de connaissances et d’emplois (Cadieux, 2010). Mais, au-delà de ces considérations socioéconomiques, les experts observent que le frein majeur à la transmission d’une entreprise dans des conditions optimales tient principalement aux conditions subjectives dans lesquelles se met en place le retrait du dirigeant (Khavul, Markoczy, Croson, & Yitshaki, 2009). De plus, les raisons psychologiques qui conduisent celui-ci à prendre la décision de partir à la retraite s’avèrent également cruciales pour la qualité de l’adaptation à la dernière étape de vie (Wang, Henkens, & Van Solinge, 2011). Mieux connaître les conditions psychologiques dans lesquelles les entrepreneurs seniors décident de mettre un terme à leur carrière vs. de repousser l’échéance de cette ultime étape professionnelle représente donc un intérêt actuel majeur tant pour les praticiens du conseil que pour les scientifiques.