Petites entreprises industrielles et développement économique de l’Europe occidentale (1780-1930)
Publié le 12 avril 2015–Mis à jour le 12 avril 2015
Pendant un large XIXe siècle (1780-1930), les petites industries dispersées, très différentes de l’artisanat, rassemblent la multitude des établissements employant moins de cent ouvriers sur un même site et capables de produire en grande quantité des objets manufacturés complets destinés à des marchés éloignés.
Selon ces critères, des secteurs entiers s’appuient sur de telles structures éclatées de production : la taillanderie, la coutellerie, l’horlogerie, les articles de Paris, les scieries, l’ébénisterie, la chapellerie, la confection, la mode, les chaussures, les bouchonneries, voire une partie des industries agroalimentaires, puis les cycles, l’automobile et l’aviation, etc.
Ces branches contribuent majoritairement aux excellentes performances des économies française, suisse et suédoise, aussi bien à l’exportation qu’en termes de productivité. La compétitivité de ces nébuleuses d’ateliers et de travailleurs à domicile repose sur des facteurs classiques comme l’abaissement de certains salaires, la division extrême du travail, la mécanisation partielle et une terrible sélection naturelle ; mais il existe aussi
d’un vivier de « micro-patrons », constamment renouvelé depuis l’abolition des corporations, et jamais découragé par les vagues de faillites qui le frappent régulièrement. À cela s’ajoutent un paternalisme de proximité, un encastrement dans la société locale et une conscience de place qui retardent et complexifient les conflits sociaux.
Au final, d’importantes régions de France, de Suisse et de Suède s’industrialisent différemment et très tôt, sans grandes usines, dès la première moitié du XIXe
siècle. Mieux encore, les structures éclatées de production mises en évidence dans ces trois pays participent activement aux révolutions industrielles dans lesquelles sont réemployés leurs savoir-faire accumulés et préservés. En effet, la capacité d’innovation et la réactivité aux évolutions du marché mondial caractérisent souvent les petites industries dispersées quand elles conservent leur indépendance et ne cèdent pas à la tentation de la sous-traitance.