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« Made in France » et déterminants de la relocalisation des activités productives des PME : le cas Easybike

Publié le 11 mars 2015 Mis à jour le 28 mars 2015

La fin des Trente Glorieuses s’est soldée, en France, par des mouvements massifs de délocalisation des activités productives principalement à destination des pays à bas coûts de main-d’oeuvre (Bouba-Olga O., 2006). De nombreuses PME produisant des biens de consommation ont à leur tour délocalisé, dans les années quatre-vingt, toute ou une partie de leur production afin de pénétrer de nouveaux marchés et/ou réduire leurs coûts de production (Chanteau J.-P., 2008).

Aujourd’hui, ces entreprises sont confrontées à trois phénomènes distincts :
– l’internationalisation de la concurrence, qui fait pression sur les coûts, en particulier
sur les produits de grande consommation (Boutary, 2009 ; Gallego, 2010) ;
– la mutation des modes de consommation qui transforme le marché de masse
en un ensemble de marchés de niches, en réaction au remplacement de la production
en série par de la fabrication « sur mesure » - y compris pour des produits
d’usage courant ;
– l’augmentation du niveau d’exigence des consommateurs, notamment en matière
d’information (accès/sincérité) et de responsabilité sociale et environnementale
des entreprises (RSE) (Persais, 2007, Berger-Douce, 2008 ; Van de Walle & Brice,
2012).
Dès lors, un certain nombre de PME produisant dans des pays à bas coûts de
main-d’oeuvre et dont la demande est localisée principalement dans leur pays
d’origine souffrent d’un déficit d’image auprès des consommateurs. Leur attitude
critiquable – qui consiste à produire dans des pays où le dumping social est de
mise et revendiqué (Gorce, 2000) - est dénoncée lorsque la délocalisation s’accompagne de licenciements dans le pays d’origine. Les consommateurs tendent
ainsi à se détourner des produits lorsque les nouvelles conditions de production
engendrent des dégâts environnementaux ou visent à tirer profit du dumping -
tant social que fiscal - clairement affiché par les pays d’accueil1. Les entreprises
s’exposent alors à un risque de réputation pouvant se traduire par des sanctions
économiques - boycott des produits par les consommateurs finaux - ou juridiques -
procès intentés par des associations de consommateurs en France ou class action
dans les pays anglo-saxons (Mercier-Suissa C., 2009).
L’avantage obtenu en matière de réduction des coûts de production par la délocalisation
de l’activité à l’étranger est ainsi amputé par ces externalités négatives. Les PME peuvent alors être amenées à relocaliser la production dans le pays d’origine2 afin de pallier à ces difficultés et concurrencer les entreprises perçues comme « socialement responsables » (Chanteau, 2008 ; Gallego, 2010 ; Coris et al., 2011). En effet, les attentes sociétales vis-à-vis des entreprises se font de plus en plus pressantes, la société civile s’immisçant toujours plus dans la vie des entreprises (Mayrhofer et Urban, 2011). Traditionnellement motivées par la hausse des coûts de production ou le manque de compétences locales ou le manque de réactivité face aux délais d’approvisionnement (Gallego, 2010), les relocalisations permettent également aux PME de valoriser leurs produits et leur savoir-faire à travers les marquages d’origine « made in France » (Xerfi, 2013). Dans un contexte de crise économique mondiale, de récentes études d’opinion montrent que les consommateurs français sont de plus en plus exigeants quant aux conditions de production des biens et services qu’ils se procurent, attachant
une importance particulière au respect des normes sociales et environnementales.
L’enquête menée par le CREDOC en 2011 conclut que les consommateurs français seraient prêts à payer plus cher des biens de consommation fabriqués en France3. La presse relate l’existence d’industriels4 faisant de la qualité et du savoir-faire français un argument de vente de leurs produits, allant même jusqu’à relocaliser tout ou partie de la production en France5 afin d’établir, sur ces fondements, un lien étroit avec les utilisateurs finaux.
Il nous semble alors intéressant d’analyser dans quelle mesure les déterminants
de la relocalisation relèvent bien de la volonté de l’entreprise de produire français
? Le retour de la production sur le sol français résulte-il uniquement de la volonté de bénéficier d’une image « made in France » ou est-il, au contraire, motivé par d’autres éléments ? Le « made in France » ne serait alors, dans ce cas, qu’une conséquence indirecte de la relocalisation. Ceci nous amène donc à nous intéresser aux déterminants des relocalisations et d’apporter des éléments de réponse à la question : la recherche d’une certification « made in France » constitue-elle un déterminant de la relocalisation ?
La première partie sera consacrée à la présentation des déterminants des relocalisations
identifiés par les auteurs d’études empiriques nationale - telles que la PIPAME (Mouhoub El Mouhoud sous la dir., 2013), ou régionales - DAMIER (Chanteau,
J.-P. et Mercier-Suissa C., 2011) en Rhône-Alpes, ou ESCAPE (Corris M. et al.,
2012) en Aquitaine. La deuxième partie sera consacrée à une étude de cas récente
de relocalisation (le cas Solex - par Easybike - à Saint-Lô) dans laquelle nous
analyserons les causes et conséquences de cette relocalisation pour l’entreprise.
C’est dans la troisième et dernière partie que nous présenterons les résultats et
implications théoriques et managériales de nos travaux.

Mis à jour le 28 mars 2015