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Aider les PME à prendre leur envol en matière d'Intélligence Economique: leçons des recherches sur l'attitude des dirigeants face aux politiques publiques

Publié le 9 mars 2015 Mis à jour le 10 avril 2015

Selon la définition officielle en vigueur en 2015, l'intelligence économique "consiste à collecter, analyser, valoriser, diffuser et protéger l'information économique stratégique, afin de renforcer la compétitivité d'un État, d'une entreprise ou d'un établissement de recherche" (D2IE, 2014). Considérée en France comme un concept englobant les pratiques de veille stratégique, sécurité économique et influence (Larivet, 2009), elle est, ailleurs, davantage perçue comme un processus entrepreneurial moins large de collecte, d'analyse et de transformation d'information, ayant pour but l'amélioration de la performance de la firme (Fleisher & Wright, 2009). Les deux approches semblent toutefois de plus en plus convergentes, le courant anglo-saxon reconnaissant à présent de façon explicite un rôle de protection du capital intellectuel au concept de Competitive Intelligence (Wright, 2011).

En tant que thème de recherche, l’intelligence économique peine toujours à trouver
sa pleine légitimité dans l’univers académique francophone. Le concept reste auréolé d’une réputation sulfureuse, du moins en France, de part sa confusion encore prégnante avec l’espionnage économique ou industriel. Sa nature transversale le rend difficilement « classable » dans un champ disciplinaire bien identifié, et son ancrage théorique multiple (Wright, 2011) n’aide pas les auteurs qui s’y intéressent à revendiquer une appartenance à un courant de recherche clairement identifié. La relative rareté des travaux universitaires sur la question, et la domination des publications écrites par des consultants (Marcon, 2012) entraîne un centrage des écrits sur la description des outils, et méthodes qu’il convient de mettre en place pour pratiquer l’intelligence économique. Ces ouvrages et travaux sont d’une utilité certaine pour les entreprises, mais n’abordent que très peu la question des politiques publiques d’intelligence économique (PPIE). Il existe bien sûr des ouvrages décrivant ces politiques, écrits notamment par ceux qui oeuvrent à leur développement (Leonetti, 2008 ; Pautrat & Delbecque, 2009), mais leur
étude empirique reste un domaine quasiment inexploré.

Il est pourtant primordial, notamment dans un contexte de crise et de réductions
budgétaires, de mieux comprendre les mécanismes de l’action publique en matière
d’intelligence économique. C’est une question particulièrement pertinente dans un pays comme la France, qui a mis en place de façon unique et très volontariste une PPIE. C’est important également pour tous les pays observateurs du développement de cette politique, et notamment pour ceux qui ont entrepris de construire leur propre approche.

C’est aussi, bien sûr, important pour les cibles de ces politiques publiques, au premier rang desquelles se trouvent les PME. Leur fragilité, combinée à leur contribution
massive à l’emploi et au développement économique, en font des acteurs auxquels les pouvoirs publics se doivent d’être particulièrement attentifs. Une meilleure connaissance des types de PME concernées pourrait permettre à ces dernières de mieux évaluer leurs besoins en tant que bénéficiaires potentiels des PPIE. De plus, la recherche sur la veille et l’intelligence économique au sein des PME est loin d’être un domaine saturé : des travaux empiriques, autres que ceux que nous présentons dans ce chapitre, n’ont été menés que dans un petit nombre de pays : Canada, Belgique, France, Suisse, Turquie et États-Unis (Amabile, Laghzaoui & Boudrandi, 2011 ; Bergeron, 2000 ; Brouard, 2006 ; Bulinge, 2002 ; Gretry, Brandt & Delcourt, 2013 ; Groom & David, 2001 ; Koseoglu, Karayormuk, Parnell & Menefee, 2011 ; Larivet, 2002 ; Madinier, 2007 ; Phanuel & Levy, 2002 ; Salles, 2001 ; Smith, Wright & Pickton, 2010 ; Tarraf & Molz 2006 ; Wright, Bisson & Duffy, 2011), et aucun ne portait sur les dispositifs publics de développement de l’intelligence économique.

Ce chapitre se propose de contribuer à combler ce manque en présentant la synthèse
de deux études empiriques récentes, qui explorent les attitudes des patrons de petites entreprises avec comme fil conducteur les questions suivantes : qu’est ce qui incite les dirigeants de PME à s’intéresser à des programmes publics de développement de l’intelligence économique ? Quelles PME sont concernées ? Quelles sont les implications pour les promoteurs de l’intelligence économique et pour les PME ?

Une première section fera le point sur l’importance de l’attitude du dirigeant de
PME et sa faible prise en compte dans les travaux sur l’intelligence économique.
Une deuxième section présentera les enquêtes, leurs cadres théoriques, contextes
et designs méthodologiques. Une troisième partie est consacrée aux résultats, et
une quatrième à leurs implications.

Mis à jour le 10 avril 2015