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Le développement du savoir organisationnel d'internationalisation: une étude d'un échantillon d'entreprises familiales

Publié le 9 mars 2015 Mis à jour le 21 mars 2017

Depuis quelques années, une prise en compte explicite du savoir dans l'analyse de l'internationalisation de l'entreprise a été amorcée. Suite au constat de Welch et Ali (2001) regrettant la rareté des travaux transposant le travail portant sur le savoir et l'apprentissage organisationnel dans le champ de l'internationalisation, de nombreuses études remettant en cause, complétant et développant la présentation originelle du savoir dans le processus d'internationalisation (Johanson et Vahine, 1977)ont vu le jour (Eriksson et ali, 1997, 2000). Knudsen et Madsen (2002) notamment estiment que la création et la coordination du nouveau savoir et des nouvelles routines à l'intérieur de l'organisation doivent être considérées comme une composante essentielle du processus d'internationalisation puisqu'elles constituent un déterminant important d ela performance à l'export.

Sur le fondement des analyses pionnières de Johanson et Vahlne (1977) analysant le processus de développement à l’étranger comme une séquence d’étapes au cours desquelles l’entreprise procède à l’apprentissage de l’environnement international, des recherches plus récentes conçoivent l’internationalisation comme un processus d’apprentissage et de développement de savoir organisationnel et reconnaissent à celui-ci un rôle plus complexe (Eriksson et ali., 2000). En effet, si les théories managériales de l’internationalisation, et notamment les approches dites séquentielles, accordent au savoir un rôle primordial, l’accent était quasi exclusivement portée sur le savoir des marchés cibles. Or ce savoir s’apparente davantage à de l’information même si les auteurs parlent volontiers de composante objective et de composante expérientielle (Johanson et Vahlne, 1977). Dans des contributions plus récentes (celles d’Eriksson et ses collègues, en particulier), le concept de savoir dans le cadre de l’internationalisation est donc revisité, élargi en incluant désormais non seulement le savoir relatif aux marchés mais également le savoir organisationnel d’internationalisation qui est le savoir-faire porté par les femmes et hommes qui dirigent et participent à l’activité internationale.  Eriksson et ali. (2000) pressent la recherche d’étudier en profondeur ce construit, dénommé « savoir d’internationalisation », vu son rôle clé dans la dynamique de l’internationalisation.

Certaines recherches ont observé une corrélation entre le savoir organisationnel d’internationalisation et le degré d’internationalisation de la firme (Basly, 2007) mais on a rarement mis en exergue l’influence du type d’organisation ou de son gouvernement sur le développement de cette base de savoir. Par exemple, on ne sait pas si une entreprise indépendante ou une entreprise contrôlée adoptent un processus identique de développement du savoir d’internationalisation. On ne sait pas non plus si les entreprises familiales auraient une quelconque spécificité quant à ce processus. Aussi, le but de cet article est-il d’étudier l’influence du caractère familial de l’entreprise sur le développement de sa base de savoir lors de l’internationalisation.

Il est à noter que peu d’études ont porté sur le savoir organisationnel au sein des entreprises familiales (Cabrera-Suarez et ali., 2002 ; Chirico et Salvato, 2008 ; Zahra et ali., 2007). L’entreprise familiale est une entreprise contrôlée par une ou plusieurs familles qui s’impliquent au niveau de la gouvernance ou du management et détiennent des intérêts capitalistiques dans cette organisation. Pour Cabrera-Suarez (2002), plus que des ressources et des compétences spécifiques (Habbershon et Williams, 1999), ce type d’entreprise mobilise un savoir tacite collectif afin de pouvoir intégrer, coordonner et mobiliser efficacement ses ressources (Cabrera-Suarez et ali, 2002). En raison de ses spécificités présumées, ce type d’entreprise est censé manifester un comportement spécifique lors de la création, développement, partage, sauvegarde et transfert de savoirs Cabrera-Suarez et ali., 2002). En particulier, les petites et moyennes entreprises familiales semblent être hermétiques et rigides et donc plutôt hostiles à l’intégration des savoirs extérieurs. Fortement orientées vers l’indépendance, le développement de leur système de ressources et compétences dont le savoir organisationnel pourrait être limité (Habbershon et Williams, 1999).

Cette recherche tente de faire la lumière sur un certain nombre de caractéristiques de l’apprentissage organisationnel international dans le cas d’un échantillon d’entreprises familiales. Tout d’abord, l’étude tentera de souligner la spécificité des entreprises familiales quant à l’apprentissage en double boucle, au caractère émergent de l’internationalisation, à la diffusion et à la tacicité des savoirs. Ensuite, l’influence de ces variables sur le savoir d’internationalisation et indirectement sur le degré d’internationalisation sera évaluée. Dans cette analyse sera essentiellement considéré le savoir managérial d’internationalisation (savoir-expérience) par opposition au savoir entrepreneurial (actif-savoir) qui explique l’internationalisation des entreprises globales dès leur naissance, ces entités poursuivant d’une manière proactive et innovante des opportunités entrepreneuriales à l’international (Zhou, 2007). Après avoir analysé, d’un point de vue théorique, les variables influençant le développement du savoir d’internationalisation, un certain nombre d’hypothèses et un modèle explicatif seront présentés. La deuxième partie de l’article décrira la méthodologie adoptée ainsi que l’échantillon et présentera les résultats. Les contributions de l’étude, ses implications et limites feront l’objet de la dernière partie.


Mis à jour le 21 mars 2017